J’ai eu mon premier cancer du sein hormono dépendant à 39 ans, et je suis actuellement en récidive. J’avais mal au bras, et en allant consulter une gynécologue on s’est rendu compte que j’avais deux tumeurs dans le sein droit. La nouvelle a été difficile à encaisser, mais j’ai rapidement repris le dessus et j’ai essayé d’anticiper ce qui allait m’arriver. J’étais dans le combat. Tout est allé très vite. On m’a enlevé le sein, puis j’ai fait de la chimio et de la radiothérapie.
La reconstruction ne s’est pas faite immédiatement. Je n’avais pas beaucoup de peau, donc le chirurgien m’a posé une prothèse provisoire qu’il regonflait au fur et à mesure. Quand il m’a mis une prothèse définitive, elle s’est avérée être trop grosse, il a donc fallu la changer de nouveau. J’ai également eu un tatouage de faux mamelon qui était affreusement laid.
J’ai rapidement pensé au tatouage, car même si mon sein est assez bien refait, il est figé, tandis que l’autre est vivant, en mouvement. Ma cicatrice me gênait beaucoup également. À l’époque, le tatouage post-cancer du sein n’existait pas vraiment, il n’y avait pas de structures comme Sœurs d'Encre. Je ne savais pas si le recouvrement de cicatrices était possible, je n’ai jamais osé entrer chez un tatoueur.
Sept ans après, je suis tombée sur un article qui parlait de l’association. Je suis allée à la réunion d’information, et j’ai rencontré ma tatoueuse là-bas. J’avais déjà vu son travail sur les réseaux sociaux et ça me plaisait beaucoup. On a pris rendez-vous et elle m’a dessiné directement sur le corps. Au départ, elle m’a seulement tatoué le cerisier japonais. La séance a été très douloureuse, mais, dès le lendemain, je l’ai recontactée pour compléter le motif avec une geisha.
Ce tatouage a changé beaucoup de choses. À partir de ce moment-là, je ne voyais plus la cicatrice, le faux mamelon ou le sein refait, j’avais à nouveau deux seins. C’est une reconstruction morale. Je me sentais plus femme, j’avais de nouveau mes « deux moitiés » complètes au lieu d’une seule. J’ai repris confiance en moi, ça a été une étape importante même dans ma reprise du travail.
Aujourd’hui, j’ai envie de montrer mon tatouage, car j’en suis fière ! Je veux montrer qu’on peut faire de jolies choses, que le cancer du sein et les opérations qui l’accompagnent ne sont pas des fatalités. La maladie n’empêche pas d’être belle, quelles que soient les épreuves traversées : on peut parfaitement être heureuse dans son corps et dans sa tête en ayant affronté un cancer du sein.
Retranscription du témoignage par Mélissa Castillon.