J’avais une tumeur visible à l'œil nu. Aucun médecin ne semblait inquiet, donc je ne l’étais pas non plus. Pendant deux ans, on a loupé mon diagnostic, deux années durant lesquelles mon cancer a largement eu le temps de progresser. À 42 ans, on s’est rendu compte de l’ampleur de la tumeur : j’avais un carcinome canalaire in situ. La lésion faisait plus de cinq centimètres, il n’y avait plus rien à sauver. Ni le sein, ni le mamelon. J’étais préparée à faire tout un tas de traitements, mais pas à cette annonce, qui a été extrêmement violente pour moi. L’ablation du sein, c’est un acte définitif, qui marque la fin de quelque chose.
J’ai fait une reconstruction immédiate après ma mastectomie car je ne voulais pas me voir à plat. J’ai eu la chance de ne pas avoir de chimio et de radiothérapie, mais il a fallu changer ma prothèse car elle n’était pas adaptée à mon corps. Ça a été difficile. Quand les traitements sont terminés, les femmes sont lâchées dans la nature, elles peuvent perdre le lien avec d’autres femmes qui ont vécu la même chose et qui les aident à supporter la maladie.
Depuis l'annonce du diagnostic, j’ai pu avancer en faisant beaucoup d’humour, même si ça signifie prendre le rôle de « clown triste ». Aujourd’hui encore, je plaisante souvent par rapport à mon « sein Barbie » qui ne vieillira jamais. J’ai préféré la solution de la prothèse aux autres reconstructions car je ne voulais pas subir d’autres opérations et avoir d’autres cicatrices.
Ce qui m’a le plus manqué, c’est mon téton. Les tatouages de mamelons 3D ne m’intéressaient pas, je ne voyais pas l’intérêt de reproduire un téton sans volume et sans les sensations qui vont avec. J’ai voulu en faire autre chose, intégrer ma prothèse aux autres parties de mon corps, je me suis donc directement tournée vers le tatouage. Je suis tombée amoureuse du travail de ma tatoueuse, c’était pour moi une évidence.
Juste avant la séance, j’ai commencé à avoir peur. J’étais angoissée à l’idée que le résultat ne me convienne pas. Mais je lui ai fait confiance, et en voyant le résultat, j’ai pleuré de joie. Je me voyais différemment. Je ne voyais plus la prothèse, mais l’art d’Alex qui est simplement magnifique. J’étais devenue autre chose, j’avais choisi le tatouage là où le cancer et les opérations s’étaient imposées à moi. C’était le point final à la maladie.
Retranscription du témoignage par Mélissa Castillon.