J’étais jeune maman quand j’ai aperçu, à 33 ans, une aspérité sur mon sein droit. Les médecins m’ont d’abord dit que tout allait bien, que c’était peut-être par rapport à l'allaitement, mais j’ai quand même fait des examens de contrôle qui n’ont rien donné. En faisant un IRM, on a vu une tumeur qui avait l’air de faire 1,3 cm, mais qui faisait en réalité 3,5 cm. On m’a d’abord fait une tumorectomie, puis une mastectomie. J’étais préparée à cet acte car, pour moi, mon sein était malade : je l’avais déjà rejeté. Et puis, pour moi, la féminité va au-delà de la poitrine. Par la suite, j’ai fait une chimio et une radiothérapie, et je suis actuellement sous hormonothérapie.
J’ai voulu me faire enlever l’autre sein pour une question d’équilibre. Je n’ai pas pensé à la reconstruction, je n’avais ni envie de subir d’autres opérations, ni d’avoir des prothèses. C’est un parcours trop long et j’ai préféré accepter mes cicatrices, que je considère comme mes marques de guerre. Certes, ça change le corps, mais je pouvais le sublimer avec le tatouage. J’étais déjà tatouée et j’y ai pensé dès le départ. J’ai trouvé que ça me correspondait, que ça allait avec mon chemin de vie, ma personnalité. Je ne me sentais pas prête à avoir une poitrine qui ne m’aurait pas appartenu, alors que mes cicatrices m’appartiennent et que le tatouage allait sublimer mon corps.
En allant voir des chirurgiens, je me suis confrontée à leur incompréhension vis-à-vis de ce choix de me faire tatouer. Je pense à un homme en particulier qui n’était pas du tout à l’écoute de ma demande, il ne considérait pas ça comme une vraie reconstruction. Quand j’ai quitté le cabinet, je lui ai dit que je ne reviendrai pas. Que mon tatouage allait faire partie de ma reconstruction corporelle et psychologique. Aujourd’hui, mon tatouage, c’est ma reconstruction.
Le tatouage change le regard des gens et ce que je perçois de leur regard. Ils ne s’attardent plus sur mon absence de poitrine, mais sur mon tatouage. Il m’habille, c’est comme si j’avais un super soutien-gorge ou un haut sexy ! Je n’ai plus peur de montrer mon corps. Mon chimiothérapeute l’a trouvé magnifique. Il n’a pas le droit, mais il aurait voulu le photographier pour montrer que c’est une reconstruction possible.
Retranscription du témoignage par Mélissa Castillon.