Les épreuves de la vie peuvent être terribles ; l’annonce d’un cancer à 48 ans en est une, tel un tsunami qui s’abat sur nous…. Aussitôt, je me suis transformée en guerrière pour passer tous ces traitements destructeurs, douloureux et essayer d’apprivoiser la peur. Et puis, tout cela a une fin, heureusement ! Par contre, le corps, lui, ne peut oublier et la mutilation subie est visible tous les jours…. La solution pour ne plus voir cette féminité bafouée était de ne plus se regarder.
Je n’aurais jamais pensé me faire tatouer, j’étais clairement contre le tatouage, je ne comprenais pas ; d’ailleurs, je menais un combat depuis plusieurs mois contre ma fille qui avait un projet de tatouage pour sa majorité. Lorsque j’ai vu son avant-bras entièrement recouvert, je l’ai trouvé très beau, il lui correspondait, il faisait partie d’elle. Ça a été un déclic, une évidence.
Puis tout s’est enchaîné, à commencer par la rencontre avec Nathalie Kaïd et Odré ma tatoueuse qui a su même dépasser ma demande un peu timide. Lorsque l’on est au bon endroit, au bon moment et avec les bonnes personnes, on ne se pose aucune question. Le jour de la séance, j’étais excitée, heureuse ; je savais que cette journée était importante.
La musique, le bruit de la machine, le dessin qui prend forme sous la main d’Odré, les couleurs... Chaque minute est inscrite très précisément dans ma mémoire. J’aurais voulu que cela ne s’arrête pas même si au bout de quelques heures, la douleur commence à se faire présente.
Lorsque je me suis vue dans le miroir, c’était une autre femme qui se reflétait. Le buste fier, poitrine bombée, un bonheur intense et pur m’a envahie. J’étais belle. Cette chose si laide depuis l’opération était devenue une merveille. J’ai compris aujourd’hui ce que peut apporter le tatouage. J’ai commencé par vouloir cacher un sein abîmé, j’ai pu retrouver ma féminité ; mais cela va beaucoup plus loin. Le tatouage fait partie de la construction de la personnalité ; il est impossible de s’en lasser car il nous permet de nous révéler. J’ai d’ailleurs continué avec une autre pièce… qui sera très certainement suivie d’autres...
Merci à ma fille, à Sœurs d’Encre, à Odré et tant d’autres.
Retranscription du témoignage par Mélissa Castillon.