Mon premier cancer du sein s’est déclaré à 47 ans à deux endroits du sein gauche, et j’ai fait une récidive sur le même sein à 55 ans. La première fois, j’ai eu une tumorectomie, 36 séances de radiothérapie et cinq ans d’hormonothérapie. Le choc a été très violent. Je venais de refaire ma vie et elle a complètement basculée. Je suis restée enfermée deux semaines. Heureusement, mon mari a toujours été à mes côtés, ainsi que ma famille et mes amis. À la récidive, on m’a fait une mastectomie avec une pose immédiate de prothèse, et on m’a fait une réduction mammaire sur l’autre sein six mois après pour rendre ma poitrine plus harmonieuse.
Tous les matins, quand je me regardais dans le miroir, je ne voyais que ma cicatrice. Même si ma chirurgie était bien faite, je n’avais plus de mamelon. J’avais envie d’assumer mon corps après la maladie, de pouvoir le montrer à nouveau. J’ai rencontré des femmes tatouées, ce qui m’a permis de contacter les Sœurs d'Encre qui ont fait preuve d’énormément de bienveillance, d’écoute et de sensibilité. J’ai eu la chance de bénéficier d’un tatouage offert par une des tatoueuses engagées dans l’association. Quand je l’ai appris, j’ai pleuré de joie.
J’ai regardé le travail des tatoueuses, et l’art végétal de PictaM a raisonné en moi. Pendant le cancer, j’ai fait beaucoup d’aquarelle, ce qui a été une bulle d’oxygène. Le tatouage a aussi été une forme d’art-thérapie. Sur la peau apparaît ce que l’on ressent au plus profond de nous. Je suis très proche de la nature, j’ai donc inscrit ma communion avec elle. Je me suis fait tatouer des fleurs qui poussent autour de chez moi comme de la lavande sauvage, mais aussi des fleurs qui me plaisent comme des pivoines.
C’est un embellissement du corps, une reconstruction physique et morale. Le regard des autres est très bienveillant, ils comprennent dès qu’ils le voient. Ma tatoueuse est devenue une amie, c’est une rencontre d’une vie. On a vécu un moment très intime, privilégié : elle a gravé sur mon corps un projet d’art-thérapie qu’on a réfléchi ensemble. Il a été tellement marquant que mon fils Alexandre s’est fait tatouer ma pivoine sur l’épaule gauche avec ma date de naissance.
Retranscription du témoignage par Mélissa Castillon.