Durant près de 5 ans j’ai été suivie pour des kystes sur le sein droit jusqu’au jour où une grosseur est apparue. 9 mois se sont écoulés avant la biopsie où il s’est avéré que c’était un cancer de stade 4, un carcinome infiltrant non métastasé. La tumeur a bien réagi à la chimio et lors de l’intervention, le sein a pu être conservé à ma grande surprise. La radiothérapie a pris le relais, puis l’hormonothérapie pendant 3 ans et demi. Je fais partie des « ailes du lac » , du coup je connaissais le projet Rose Tattoo et Nathalie Kaïd, et je me suis proposée pour y participer.
J’avais honte de mon corps, de moi. Ce n’était plus possible dans mon intimité avec mon compagnon. Je ne mettais que des grosses brassières, je n’avais plus envie de lingerie. Je ne me supportais plus, je me rejetais. Mais il était trop difficile, douloureux, de revenir à l’hôpital et qu’à nouveau on m’ouvre le sein. Je ne voulais plus qu’on y touche médicalement.
Le tatouage est alors apparu comme une évidence, un miracle. Je ne me voyais pas passer la porte d’un salon et montrer mon sein. Rose tattoo c’est rassurant, elles savent de quoi il s’agit, elles travaillent avec l’institut Bergonié ce qui est très cadrant.
Je souhaitais une inspiration japonisante et Audrey la tatoueuse était partante. Une confiance s’est faite immédiatement avec elle, c’était essentiel. Une carpe koï est venue envelopper mon sein, avaler cette cicatrice, les écailles dissimulent une vilaine bosse. 6 heures de tattoo, une douleur supportable et un rendu magique. Mon conjoint espérait que je ne me fasse pas tatouer pour lui, il fallait que ça soit MA décision. Je me sens encore plus femme, j’ai des compliments sur le tattoo, les gens le regardent. Avant c’était ma cicatrice qui attirait le regard. Je suis très heureuse de l’avoir fait, le tatouage c’est ma récompense pour tout ce que j’ai traversé.
Cette équipe de Rose Tattoo est fabuleuse, bienveillante, contenante. Échanger avec les autres femmes, partager dans un espace préservé où la complicité et les rires sont faciles. J’ai retrouvé mon corps même si dans ma tête, j’aurai toujours un cancer. Dans le quotidien, il y a toujours un petit quelque chose qui vous rappelle qu’il a été là, notamment les rendez-vous récurrents en écho et mammographie. C’est le cancer qui se soigne le mieux mais il ne faut pas le banaliser, il tue encore et fait des ravages psychologiques. Cette épreuve m’a appris à vivre plus intensément, à avoir encore plus de courage. Témoigner est essentiel pour aider les autres femmes. J’envisage un prochain tatouage pour masquer la chambre implantable.
Interview Lara Kastel, rédaction Laurence Marino, Armelle Mirieu Correction Nadine Fréou. Photos Nathalie Kaïd