Il y a quatre ans, on m'a annoncé après une mammographie de contrôle que j'avais un carcinome de grade II au sein droit. Ma vie vole en éclats, très vite, je suis dans la spirale. On me fait une tumorectomie et une ablation totale de la chaîne ganglionnaire, puis quatre séances de chimio et trente-trois de radiothérapie.
Je reste vidée et meurtrie avec mes cicatrices, mon sein balafré et déformé. À ce moment-là, toute ma force et mon énergie sont consacrées à me battre pour mes filles et mon homme. Mon obsession est de les épargner au plus des traumatismes des accompagnants de cette maladie. Surtout de ne pas reproduire ce schéma avec ma maman, les protéger. Je me dis que je me reconstruirai après.
Je ne sais pas dire quand l'idée de me faire tatouer est née, mais quand j'ai connu l’association Sœurs d'Encre ça a été comme une évidence : cette rencontre n'était pas un hasard et j'ai directement envoyé ma candidature pour participer à Rose Tattoo. J'apprends à connaître l’équipe de l’association, et petit à petit j'ai eu envie de passer du temps et m'impliquer un peu plus avec elle. Beaucoup d'énergie positive se dégage de ces moments de partage et ça me donne déjà une nouvelle force.
J'ai des petits tatouages qui ont tous une grande symbolique à mes yeux car ils impliquent mes enfants et mon mari, toute ma vie. Avant d'être malade, je ne pense pas que j'aurai fait un tatouage aussi grand « rien que pour moi ». C'est tellement symbolique que c'est difficile de poser des mots et une image sur ce qui va « effacer » les cicatrices physiques et morales et transformer mon reflet maladif et douloureux en « Wahooo j'aime me voir et plus, j'ai envie de le partager ».
Je garde de mon Rose Tatoo des émotions fortes à fleur de peau, je suis spectatrice, fascinée, enrichie de mes rencontres, encore une nouvelle force. Puis la connexion avec Odré a été innée, intime, bienveillante, le free hand était une première pour moi, mes premiers tatouages étaient très réfléchis, maîtrisés et mûris. Ma famille a été déstabilisée et a eu un peu peur de ma réaction, de cette sérénité et de ce lâcher prise inhabituels, mais je me surprends pour une fois à ne penser qu'à moi.
Puis ce jour tant attendu est arrivé, Odré est rentrée dans ma tête chercher le dessin parfait et l'a encré sur ma peau. Enfin ce miroir avec mon reflet, je suis fébrile, mes émotions se bousculent, sont innombrables, intenses, indescriptibles, un lien protecteur d'elle sur moi, des larmes, une renaissance, une nouvelle énergie... J'aime ce reflet, mon reflet, et c'est inédit. Je suis fière de mon tatouage, il m'a reconstruite, je l'adore et aujourd'hui je retiens de mon cancer seulement les côtés positifs, il m'a rendu plus forte c'est maintenant écrit dans ma peau aux yeux de tous, je vais vivre.
Sœurs d'Encre, ce n'est pas une association c'est une famille, une sororité comme le dit la Présidente. Le tutoiement est immédiat, on se livre à cœur ouvert sans retenue alors qu'on se connaît à peine, on est liées. Je ne sais pas comment je pourrai un jour assez toutes les remercier de m'avoir offert cette estocade à ma maladie, ce nouveau départ et l'honneur d'être une sœur d'encre.
Interview et retranscription du témoignage par Mélissa Castillon.