J’ai eu un cancer à 68 ans. Comme beaucoup de mes sœurs de maladie, j’ai été diagnostiquée à la suite d’une mammographie. Tout est allé très vite. Après quinze jours, j’ai su que j’avais un cancer. Quinze jours après, j’ai subi une mastectomie. Et quinze jours plus tard, on m’a réopérée car les ganglions sentinelles avaient explosé. En cherchant un peu plus loin, on s’est rendu compte qu’un ganglion était atteint.
J’ai subi tous les traitements de « faveur » : la chimio, ce qui a été horrible, la radiothérapie, et je prends un traitement hormonal. J’ai été suivie par une équipe médicale extraordinaire, un chirurgien bienveillant et talentueux qui a créé une association dans laquelle il s’entoure de plein de professionnels. Les médecins sont formés et spécialisés au cancer du sein.
J’ai voulu faire une reconstruction. Pour moi, il n’était pas possible de rester avec cette mutilation. J’ai choisi le prélèvement de peau et une reconstruction par lipomodelage. J’ai subi sept interventions. Les seins irradiés ne fixent pas la graisse de la même façon qu’un corps non-irradié. Si on m’envoyait 300 grammes de graisse, j’en perdais 250. Selon mon chirurgien, une huitième intervention aurait été souhaitable mais j’ai dit « stop ».
Je n’aurais jamais pensé me faire tatouer avant : pour moi c’était une preuve de marginalité. J’appréciais les tatouages sur les autres, mais sur moi ? Jamais ! Mais j’ai une amie qui est bénévole dans l’association Sœurs d'Encre, j’ai été sensibilisée à la cause et la décision a été rapide ! J’ai écrit une lettre de candidature pour participer à l’événement Rose Tattoo, et j’ai eu la chance d’être sélectionnée car Little Mony a proposé de tatouer deux femmes sur le week-end au lieu d’une seule !
Je suis allée rencontrer ma tatoueuse. Ces derniers jours, j’ai été un peu inquiète car je ne savais pas si j’allais accepter ce dessin qui allait être sur mon corps jusqu’à la fin. Rose Tattoo est une expérience riche et fabuleuse. La sororité qui s’en dégage est touchante. Je n’ai pratiquement pas eu mal, j’ai vécu la séance de tatouage sereinement, sans vraiment réaliser ce qui m’arrivait.
Depuis la maladie, je suis une autre personne. J’ai été très entourée, privilégiée d’un point de vue médical. Aujourd’hui, je suis en train de fermer ce livre de ma vie par ce tatouage qui est extraordinairement beau. Cette féminité réappropriée par le tatouage est vraiment très importante. Les dix opérations chirurgicales que j’ai subies sont maintenant derrière moi. Ce tatouage est un petit grain de folie, mais j’aime ça !
Photographie par Nathalie Kaïd.
Interview et retranscription du témoignage par Mélissa Castillon.